Repli sur arythmies atriales
Généralités
La prise en charge des patients porteurs d'un stimulateur cardiaque présentant des épisodes d'arythmie atriale est complexe du fait des différents types de mécanismes connus pour déclencher les arythmies atriales et du risque d'emballement de la stimulation ventriculaire sur la détection d’un rythme atrial rapide.
La détection des arythmies atriales est un processus permanent dans lequel le dispositif analyse la fréquence atriale et son effet sur le rythme ventriculaire. Le stimulateur enregistre automatiquement les données diagnostiques des différents épisodes d'arythmie qui peuvent aider à la prise en charge de ces patients et à une éventuelle adaptation thérapeutique.
Le dispositif peut être programmé pour qu’il réagisse à une arythmie atriale en passant à un mode asynchrone afin d’éviter une stimulation ventriculaire à fréquence élevée pouvant compromettre la stabilité hémodynamique. La commutation de mode correspond à la capacité du stimulateur à commuter automatiquement d’un mode de suivi atrial (DDD ou VDD) vers un mode sans suivi atrial (DDI ou VDI). La fréquence de stimulation ventriculaire passe progressivement (en fonction des constructeurs) de la fréquence synchrone à la fréquence asservie. Cela évite une chute brutale de la fréquence ventriculaire. Lorsque la tachyarythmie atriale se termine, la commutation de mode renvoie au mode de stimulation synchrone programmé.
L’algorithme de commutation de mode idéal présente les caractéristiques suivantes :
- déclenchement rapide pour éviter une stimulation ventriculaire rapide prolongée durant la phase de détection initiale de l’arythmie
- capacité de rebasculer rapidement vers un mode synchrone à la fin de l’épisode d’arythmie
- bonne capacité de diagnostic de l’arythmie atriale même en présence de signaux atriaux d’amplitude et de fréquence variables
- capacité d’éviter les commutations de mode en réponse à une écoute croisée, un bruit ou une tachycardie sinusale
Spécificités
- BIOTRONIK
- BOSTON SCIENTIFIC
- MEDTRONIC
- ABBOTT
- MICROPORT CRM-SORIN
Biotronik
Programmation de l’algorithme de repli
Dans un stimulateur double chambre Biotronik, différents paramètres de l’algorithme de repli sont programmables :
- l’algorithme de repli est programmable sur marche ou arrêt (on/Off)
la fréquence d’intervention correspond à la fréquence atriale minimale pour laquelle l’algorithme de repli se déclenche (programmable entre 100 et 250 bpm, valeur nominale 160 bpm) - la "commutation en" correspond au mode dans lequel le stimulateur se replie; il dépend du mode de stimulation programmé (DDD : DDI ou DDIR ; DDDR : DDIR ; VDD : VDI ou VDIR ; VDDR : VDIR)
le critère de démarrage (mode synchrone vers mode asynchrone) utilise une fenêtre roulante de X (programmable entre 3 et 8, valeur nominale 5) cycles sur 8 ; il faut donc X cycles sur 8 plus rapides que la fréquence d’intervention pour basculer vers un mode asynchrone ; la valeur 5 sur 8 permet d’éviter les oscillations de mode inutiles en cas d’extrasystoles atriales ou de signaux atriaux instables ; de même, elle permet d’éviter les commutations inappropriées sur écoute croisée quand la fréquence cardiaque n’est pas rapide (1 cycle sur 2 rapide : 4/8)
- le critère d’arrêt (mode asynchrone vers mode synchrone) utilise une fenêtre roulante de X (programmable entre 3 et 8, valeur nominale 5) cycles sur 8 ; il faut donc X cycles sur 8 plus lents que la fréquence d’intervention pour revenir au mode synchrone
- la modification de la fréquence de base : il est possible de régler une fréquence de base plus élevée (programmable entre 0 et 30 bpm plus rapide, valeur nominale de 10 bpm) lors d’une commutation de mode afin d’atténuer les conditions hémodynamiques défavorables associées avec l’arythmie atriale
Interrogation des statistiques dans les mémoires du dispositif
Charge en FA
La charge en FA correspond au pourcentage de temps pendant lequel le patient est en FA sur une journée. Le dispositif enregistre le nombre et la durée des épisodes d’arythmie atriale par jour pendant les 240 jours qui précèdent l’interrogation. Pour que l’appareil enregistre un épisode, il faut que le paramètre fréquence atriale rapide soit sur marche et que le critère 36 évènements sur 48 cycles rapides (plus rapides que la fréquence atriale programmée) soit rempli.
Horaire des épisodes
L’appareil divise la journée en blocs de 3 heures pour déterminer l’horaire auquel ont démarré les épisodes d’arythmie atriale.
Nombre de replis
Le dispositif fournit le nombre d’épisodes de repli.
Boston Scientific
Fonctionnement de l'algorithme de repli
Cet algorithme fonctionne suivant différentes étapes :
- première étape: la fréquence de tachycardie atriale est dépassée; les évènements atriaux classés AS ou en période réfractaire (PRAPV) sont inclus dans le calcul de la fréquence atriale à la différence des cycles dans les blankings ou dans les fenêtres de bruit qui sont exclus.
- deuxième étape: le compteur d'entrée est complété; ce compteur correspond à un nombre de cycles atriaux plus rapides que la fréquence de repli; ce compteur est incrémenté de 1 (+1) pour chaque cycle plus rapide que la fréquence de repli et décrémenté de 1 (-1) pour chaque cycle détecté ou stimulé plus lent. Quand le compteur est complété, la durée débute.
- troisième étape: le critère de durée est rempli; la durée correspond au nombre de cycles durant laquelle l'arythmie doit persister avant la commutation de mode.
- quatrième étape: commutation de mode vers un mode asynchrone; cette commutation démarre à la fin de la durée et persiste tant que le compteur de sortie n'atteint pas 0.
- cinquième étape: diminution progressive de la fréquence de stimulation ventriculaire; la fréquence de stimulation diminue progressivement pour atteindre soit la fréquence minimale de repli programmée soit la fréquence asservie.
- sixième étape: le compteur de sortie est complété; ce compteur dénombre les cycles atriaux plus lents que la fréquence de repli programmée et débute au moment de la durée; ce compteur est incrémenté de 1 (+1) pour chaque cycle plus rapide ou égal que la fréquence de repli et décrémenté de 1 (-1) pour chaque cycle détecté ou stimulé plus lent. Si ce compteur atteint 0 pendant la durée, il n'y a pas de commutation de mode; si ce compteur atteint 0 après une commutation de mode, le dispositif bascule vers un mode synchrone.
Paramètres programmables
- la fréquence de déclenchement RTA correspond à la fréquence à laquelle l’appareil commence à détecter les tachycardies atriales;
- le compteur d’entrée correspond au nombre d’évènements atriaux rapides détectés nécessaires pour satisfaire la détection initiale et activer la durée et le compteur de sortie;
- la durée RTA correspond au nombre de cycles ventriculaires durant lesquels les évènements atriaux continuent d’être évalués après la détection initiale ; si la TA persiste durant la durée, la commutation de mode survient;
- le temps de repli contrôle la rapidité avec laquelle la fréquence stimulée diminue durant le repli à la fréquence minimale de repli ou la fréquence capteur;
Medtronic
Commutation en mode asynchrone (nouvelle plateforme de stimulateur)
Le stimulateur commute en mode DDIR (mode non programmable) quand le critère de démarrage brutal de TA/FA est rempli si la valeur médiane des 12 intervalles atriaux détectés les plus récents est plus courte que l’intervalle TA/FA programmé et si le compteur d’évidence de FA (2 signaux auriculaires détectés entre 2 signaux ventriculaires) est supérieur ou égal à 3. Pour éviter une chute brutale de la fréquence ventriculaire, il réduit très progressivement la fréquence de stimulation passant ainsi de la fréquence atriale synchrone à celle indiquée par le capteur sur plusieurs cycles de stimulation. Les marqueurs d’événements comprennent un marqueur “MS” pour chaque passage à la commutation de mode, que ce soit vers un mode asynchrone ou un mode synchrone.
- Début d’une arythmie atriale avec accélération du rythme ventriculaire stimulé
- Le critère de démarrage brutal de TA/FA est rempli ; MS (mode switch) marque le passage en repli ; passage du mode de stimulation programmé en mode DDIR
- Passage progressif d'une fréquence de stimulation ventriculaire rapide à la fréquence asservie (+ 40 ms à chaque intervalle)
- Fin de l’arythmie ; retour au mode programmé (sauf pour le mode MVP pour lequel il y a toujours un retour en DDD avant un retour en AAI)
Commutation en mode synchrone de suivi atrial (nouvelle plateforme de stimulateur)
L’arrêt de l’épisode survient à la suite de l’identification d’un rythme sinusal normal (ou rythme stimulé normal) pendant 5 intervalles ventriculaires consécutifs ou si l’intervalle atrial médian est supérieur à l’intervalle de détection de TA/FA ou si le compteur de TA/FA est inférieur à 27 pendant 3 minutes.
Mémorisation des épisodes d’arythmie atriale
Les événements atriaux pathologiques sont mémorisés quand ils ont engendré un repli. Il est possible de visualiser le graphe, les EGMs et un texte récapitulatif pour différents épisodes enregistrés.
Le rapport du moniteur cardiaque donne des informations sur les épisodes de TA/FA et les rythmes ventriculaires, indique le temps passé en TA/FA, renseigne sur l’évolution des heures totales TA/FA par jour (graphe).
ABBOTT
Algorithme de commutation de mode
La commutation automatique de mode (CAM) a lieu lorsque la fréquence atriale filtrée dépasse la fréquence de détection des tachycardies atriales (FDTA).
La CAM utilise une fréquence atriale filtrée, et non instantanée, basée sur une comparaison de la fréquence atriale en cours avec une fréquence moyenne actualisée en continu, ceci afin de distinguer tachycardie soutenue et cycles intermittents rapides.
Lorsque la fréquence atriale filtrée dépasse la valeur FDTA programmée, l’appareil commute en mode DDI(R) ou VVI(R).
L’appareil mesure à chaque cycle l’intervalle PP instantané.
Il calcule un intervalle atrial filtré (IAF) suivant la règle suivante :
- Si PP instantané ≤ IAF : IAF décrémenté de 38 ms
- Si PP instantané > IAF : IAF incrémenté de 25 ms
La commutation de mode survient dès que l'intervalle atrial filtré devient inférieur à l'intervalle de détection des tachycardies atriales.
Durant la commutation de mode, la fréquence de stimulation correspond à la fréquence de base de CAM (programmable indépendamment de la fréquence de base) ou à la fréquence indiquée par le capteur (fréquence asservie).
Le retour au mode synchrone n’est possible que si la fréquence atriale redevient inférieure à la fréquence maximale synchrone (IAF > à l’intervalle de fréquence maximale synchrone).
Exemple : intervalle de détection de tachycardie atriale à 180 min-1 / 333 ms
Programmation
Enregistrement d'un épisode TA/FA
Le critère d'enregistrement des épisodes TA/FA utilise l’intervalle de détection de tachycardie atriale (IDTA). La méthode de calcul pour l’intervalle atrial filtré (IAF) est identique.
Pour enregistrer un épisode, il faut 4 cycles consécutifs avec un intervalle PP et un IAF qui soient inférieurs à l’IDTA. Ces cycles consécutifs permettent d’éviter l’enregistrement des épisodes de CAM sur écoute croisée (alternance cycles courts cycles longs qui peuvent entrainer une CAM mais pas l’enregistrement de l’épisode car pas de cycles courts consécutifs). Le critère de CAM est plus sensible que le critère d’enregistrement qui est plus spécifique. Il faut ensuite 8 cycles avec un intervalle PP et un IAF supérieurs à l’IDTA pour que l’épisode soit terminé (2 épisodes distants de moins de 20 secondes sont considérés comme un seul épisode TA/FA).
Charge en FA
La Charge en TA/FA correspond au pourcentage de temps passé en TA/FA sur une période de 52 semaines. Chaque point de donnée du graphique correspond au pourcentage de temps où le patient était en TA/FA au cours d’une période de sept jours.
Microport CRM-Sorin
Principe de l’algorithme de repli
L’identification de l’arythmie repose sur :
- une fréquence atriale au delà de laquelle le stimulateur commute automatiquement en mode DDI (Le repli ne survient que si la fréquence atriale est supérieure à 120 min-1 ; ce paramètre ne peut pas être modifié)
- la détection d’une accélération brutale du rythme auriculaire basée sur une fenêtre dynamique de prématurité = fenêtre de Détection de l’Accélération du Rythme Atrial (DARA)
- une confirmation basée sur un traitement statistique de l'arythmie atriale en cas de sous détection atriale
La DARA
La DARA est déclenchée sur chaque évènement auriculaire stimulé ou détecté normal. Sa durée, calculée de façon dynamique, dépend de la fréquence sinusale.
- lorsque le rythme sinusal est inférieur à 80 min-1, la DARA représente 62.5 % de l’intervalle P-P précédent
- quand le rythme sinusal est supérieur (ou égal) à 80 min-1, la DARA représente 75 % de l’intervalle P-P précédent
Phase de suspicion d’arythmie atriale (N:1)
Au début de l’installation du rythme rapide atrial, un délai AV court peut être déclenché sur certaines détections d’ondes P en DARA si et seulement si l’intervalle R-V ou V-V qui serait appliqué est supérieur à 500 ms. Cela permet d’éviter une stimulation ventriculaire trop rapide en début d’épisode avant la commutation en mode asynchrone. Durant cette phase de suspicion de trouble du rythme atrial, tous les évènements auriculaires détectés sont notés par des marqueurs en périodes réfractaires (petits « p »). La valeur de la DARA est alors figée à celle de la DARA ayant détectée la toute première ESA et ne peut excéder 500 ms. Le délai AV court pouvant être déclenché après certaines détections d’ondes P en DARA est de 30 ms (non programmable).
Les cycles ventriculaires possédant au moins une détection atriale en fenêtre de DARA sont considérés « suspicieux ».
Fonctionnement de l’algorithme de repli
La fonction de repli comprend trois phases distinctes: une phase de suspicion/confirmation, une phase de dissociation et une phase de réassociation.
Phase de suspicion/confirmation
Dès qu’un cycle ventriculaire avec suspicion d’arythmie atriale est détecté, l’algorithme de Repli commence une analyse sur 32 cycles ventriculaires (analyse répétée par bloc de 32 cycles ventriculaire si nécessaire).
L'arythmie auriculaire est confirmée si l'un des deux critères suivants est atteint:
- 28 cycles ventriculaires ou plus sont en suspicion au cours des 32 derniers cycles ventriculaires (critère primaire)
- 18 cycles ventriculaires ou plus sont en suspicion au cours des deux derniers blocs de 32 cycles ventriculaires (critère secondaire)
Le critère primaire est en général atteint en 15 secondes environ. Le critère secondaire peut permettre un repli en dépit d’une sous détection atriale.
Phase de dissociation
Une fois un des critères de Repli atteint, le mode de stimulation commute d’un mode synchrone (DDD ou AAI-SafeR) vers un mode asynchrone (DDI). La fréquence de stimulation ventriculaire diminue progressivement (l'intervalle d'échappement ventriculaire augmente de 30 ms tous les 12 cycles) vers la fréquence de base, la fréquence asservie, ou la fréquence de repos.
Phase de réassociation
Dès que l'arythmie auriculaire cesse et que le rythme sinusal reprend, la fréquence de stimulation ventriculaire est progressivement adaptée pour atteindre le rythme sinusal. La réassociation A-V n’a lieu qui si les fréquences auriculaire et ventriculaire sont plus lentes que 110 min-1. Une RétroPwatch de 500 ms est appliquée sur le premier ventricule réassocié pour éviter le démarrage d’une TRE.
Programmation du repli
La fonction est activée par défaut.
Interrogations des mémoires
Dès l’écran Résumé, une observation est notée indiquant:
- Le temps passé en repli (en %)
La fréquence ventriculaire durant les périodes en repli
Un autre moyen d’accéder aux épisodes de repli est de cliquer sur Diagnos. AIDA puis sur l’onglet Arythmie.
Une vision détaillée hebdomadaire ou journalière montre - la durée de la FA (temps en repli) – le nombre d’épisodes de FA – la fréquence ventriculaire - le pourcentage de détections ventriculaires.