Optimisation des délai AV et VV
Généralités
OPTIMISATION DELAI AV ET DELAI VV
La resynchronisation biventriculaire permet un bénéfice clinique significatif, un remodelage inverse avec réduction des volumes et une baisse de la morbi-mortalité chez les patients insuffisants cardiaques avec QRS large. La limite principale de cette thérapeutique est que toutes les études retrouvent un pourcentage non négligeable de patients ne répondant pas favorablement à la resynchronisation. Différentes approches ont été proposées pour réduire le pourcentage des non répondeurs. Une fois le patient implanté, un réglage non optimal de la prothèse peut contribuer à altérer la qualité de la réponse. Le principe de la resynchronisation cardiaque est de modifier la séquence d’activation d’un patient présentant un trouble de la conduction électrique en réglant les délais d’activation entre une sonde auriculaire droite, une sonde ventriculaire droite et une sonde ventriculaire gauche. Deux paramètres programmables sont accessibles dans ce cadre : 1) le délai AV qui règle le délai d’activation entre oreillette droite et ventricule droit avec programmation indépendante d’un délai AV détecté à la suite de la détection d’une oreillette spontanée (cycle AS-BV) et d’un délai AV stimulé à la suite d’une stimulation atriale (cycle AP-BV) ; il est possible de programmer un délai AV adaptable avec réduction linéaire de la valeur du délai AV en parallèle à l’augmentation de la fréquence cardiaque ; 2) le délai VV qui règle le délai d’activation entre ventricule droit et ventricule gauche ; une activation simultanée (délai VV à 0), une pré-activation droite (VD→VG de X ms) ou une pré-activation gauche (VG→VD de X ms) sont programmables ; il n’est pas en revanche possible de programmer un délai VV différent au repos et à l’effort. Les études hémodynamiques aigües ont clairement démontré un bénéfice significatif apporté par une optimisation du délai AV et/ou du délai VV. La démonstration d’un bénéfice clinique est beaucoup moins probante.
OPTIMISATION DU DELAI AV
La contraction atriale contribue à hauteur de 20 à 30% au débit cardiaque au repos chez les patients insuffisants cardiaques avec dysfonction systolique, cette contribution augmentant à l’effort. Les patients insuffisants cardiaques avec trouble de conduction électrique présentent souvent un asynchronisme atrio-ventriculaire avec temps de remplissage raccourci, fusion de l’onde E et de l’onde A et fuite mitrale diastolique. Chez les patients resynchronisés, la programmation d’un délai AV court permet une anticipation de l’onde E, une dissociation de l’onde E et de l’onde A et un allongement du temps de remplissage. Le délai AV ne doit pas être programmé trop court car cela induit une amputation de l’onde A par la fermeture mitrale. Le réglage du délai AV est recommandé après implantation d’un stimulateur ou défibrillateur triple chambre même si le niveau de preuve clinique est modeste.
Il existe des variations interindividuelles importantes en termes de trouble de conduction intra-atrial et intra-ventriculaire engendrant des différences marquées en termes de délai AV optimal justifiant théoriquement un réglage personnalisé pour chaque patient. Les délais AV détectés et stimulés sont programmables indépendamment et doivent donc être également optimisés indépendamment. Une des limites de l’optimisation du délai AV est qu’elle est le plus souvent réalisée au repos, en position couchée et pour une fréquence donnée. Ces conditions diffèrent sensiblement de celles observées dans la vie courante. A l’effort, à la différence des patients avec cœur sain où le délai AV optimal raccourcit avec l’augmentation de la fréquence cardiaque, il semble que chez les patients resynchronisés la réponse à l’effort ne soit pas stéréotypée. Chez certains patients le délai AV optimal à l’effort est plus long qu’au repos, chez d’autres, il est plus court. La programmation systématique de l’algorithme de raccourcissement automatique du délai AV à l’effort permet probablement d’assurer une capture complète à l’effort mais n’est pas forcément associée avec un bénéfice hémodynamique supplémentaire et doit donc être discutée chez chaque patient. La resynchronisation biventriculaire permet un remodelage inverse avec réduction dans le temps des volumes et des pressions télé-systoliques et télé-diastoliques. Il est donc probable que l’optimisation du délai AV devrait être répétée périodiquement.
Le délai AV optimal permet une contribution maximale de la contraction atriale gauche au remplissage ventriculaire gauche, un temps de remplissage long, un débit cardiaque maximal et l’absence de fuite mitrale diastolique.
Si le délai AV est programmé trop long, la contraction atriale survient trop tôt en diastole, limitant la contribution atriale au remplissage ventriculaire. La contraction atriale est superposée avec la phase diastolique initiale. L’échographie retrouve une fusion entre onde E et onde A et un temps de remplissage court avec persistance d’une fuite mitrale diastolique.
Si le délai AV est programmé trop court, la contraction ventriculaire survient trop tôt résultant en une fermeture mitrale prématurée qui interrompt le remplissage actif et limite la contribution atriale au remplissage ventriculaire. L’échographie retrouve une onde E précoce, un temps de remplissage long avec des ondes E et A séparées et une onde A tronquée par la fermeture mitrale. La baisse de la pression télé-diastolique et la baisse de la précharge entrainent une baisse de la dP/dt max et du débit cardiaque.
Certains éléments doivent être connus avant de débuter cette optimisation. Chez les patients en bloc auriculo-ventriculaire de haut grade ou avec un espace PR très allongé, les variations de délai AV n’auront pas d’effet direct sur le degré de capture et de fusion ventriculaire. En revanche, chez les patients avec conduction auriculo-ventriculaire préservée, l’allongement du délai AV entraine une fusion progressive avec l’activation spontanée. Le réglage du délai AV doit donc être réalisé sous contrôle électrocardiographique en intégrant l’idée que, dans le groupe de patients sans bloc auriculo-ventriculaire complet qui représente la majorité des patients resynchronisés, le réglage du délai AV modifie le délai entre systole atriale et systole ventriculaire mais interfère également directement avec la séquence d’activation ventriculaire et avec le degré de fusion ventriculaire. Pour s’affranchir de cette difficulté, le délai AV est souvent systématiquement programmé court (entre 90 et 120 ms sur oreillette détectée et entre 130 et 150 sur oreillette stimulée).
Exemple d’un réglage du délai AV chez un patient resynchronisé avec conduction auriculo-ventriculaire préservée ; aspect de fusion progressive avec l’allongement du délai AV.
Différentes techniques ont été proposées pour réaliser l’optimisation du délai AV :
- Echocardiographie
Différentes méthodes échocardiographiques ont été proposées pour optimiser le délai AV : la méthode de Ritter qui n’a pas été validée dans une population de patients insuffisants cardiaques, la recherche d’une ITV mitrale ou aortique maximale, d’une dP/dt max maximale et la méthode itérative. Cette dernière est très utilisée en pratique clinique, l’objectif étant d’obtenir le temps de remplissage le plus long sans amputation de l’onde A en se basant sur le flux trans-mitral.
- Autres méthodes
Différentes mesures témoins des variations de contractilité ou de débit cardiaque peuvent être utilisées : onde de pouls, pression artérielle, dP/dt max, aspect électrocardiographique… L’applicabilité en pratique clinique est souvent limitée.
- Algorithme d’optimisation automatique par le dispositif
Si une optimisation répétée du délai AV est nécessaire et si elle doit être réalisée dans des conditions de charge différentes, l’idéal est que le stimulateur la réalise lui même. La fonction AdpativCRT est disponible dans les défibrillateurs triple chambre Medtronic de dernière génération ; les principes de fonctionnement de cet algorithme seront exposés en fin de chapitre.
OPTIMISATION DU DELAI VV
Certains patients répondent mal à la resynchronisation et présentent toujours après l’implantation un asynchronisme mécanique ventriculaire significatif. Le réglage du délai VV résultant en une stimulation biventriculaire séquentielle a un impact direct sur la séquence d’activation ventriculaire et peut être proposé pour réduire cet asynchronisme persistant. Ce réglage semble théoriquement intéressant chez les patients présentant une position non optimale de la sonde gauche, une latence et un temps de conduction prolongé au site de stimulation. Si l’optimisation du délai VV permet un bénéfice hémodynamique aigu significatif, la question de l’intérêt clinique reste débattue et peu confirmé par les études cliniques. Tout comme pour le réglage du délai AV, il est probable que le remodelage influe directement sur l’optimisation du délai VV et que le réglage de ce paramètre doit être répété dans le temps et en fonction des conditions de charge.
Les mêmes outils peuvent être utilisés pour optimiser le réglage du délai AV et du délai VV. L’échographie est souvent utilisée en pratique clinique. L’ITV aortique reflet du débit cardiaque, la dP/dt max reflet de la contractilité ou une mesure d’asynchronisme ventriculaire sont le plus souvent utilisés. Une fois de plus, la solution pourrait venir d’un réglage automatique et répété dans le temps par la prothèse. La fonction AdaptivCRT propose également d’optimiser ce paramètre chez les patients stimulés en biventriculaire. Au vu des limites pratiques de cette optimisation, le réglage automatique et répété de ce paramètre par l’appareil paraît prometteur, encore faut-il en démontrer l’intérêt clinique.
Cet exemple montre l’impact du délai VV sur l’activation électrique ventriculaire ; si il est aisé de montrer que l’aspect électrocardiographique est réellement différent d’une configuration à l’autre, il est beaucoup plus difficile de déterminer quelle configuration permettra la meilleure réponse clinique.
STIMULATION VENTRICULAIRE GAUCHE SEULE OU STIMULATION BIVENTRICULAIRE ?
Un des principes de fonctionnement de l’algorithme AdaptivCRT est de choisir entre stimulation ventriculaire gauche et stimulation biventriculaire.
Aucune étude n’a jamais démontré une supériorité de la stimulation biventriculaire sur la stimulation ventriculaire gauche. Au contraire, les études hémodynamiques aiguës ont toujours retrouvé un bénéfice au moins aussi important lors d’une stimulation ventriculaire gauche seule. De même, les études cliniques retrouvent un bénéfice plus ou moins identique en termes de classe NYHA, de capacité d’effort et de remodelage ventriculaire. Toutefois, les grandes études ayant démontré le bénéfice apporté par la resynchronisation en termes de morbi-mortalité ont toutes été réalisées avec une stimulation biventriculaire et non avec une stimulation ventriculaire gauche.
En configuration ventriculaire gauche seule, la resynchronisation des 2 ventricules peut être obtenue avec une fusion entre stimulation ventriculaire gauche et activation intrinsèque du ventricule droit. Si il semble qu’un bénéfice hémodynamique aigu optimal puisse être obtenu avec un certain degré de fusion, ce degré de fusion optimal est difficile à définir et à maintenir à l’effort lors de modifications de la fréquence cardiaque et de l’espace PR.
La stimulation ventriculaire gauche seule représente une option intéressante principalement en cas de décision d’implantation d’un stimulateur resynchronisateur. En effet, elle peut être réalisée en utilisant un stimulateur double chambre traditionnel, sans implantation de sonde ventriculaire droite ce qui augmente le ratio cout/efficacité et réduit le risque de complication. Chez les patients en bloc auriculo-ventriculaire dépendants de leur stimulateur, l’implantation d’une seule sonde ventriculaire gauche parait risquée au vu du pourcentage plus élevé de déplacement de sonde et d’augmentation de seuil. Chez les patients appareillés d’un défibrillateur triple-chambre, l’implantation d’une sonde ventriculaire droite est indispensable. Sur un dispositif triple chambre, une stimulation ventriculaire gauche seule permet toutefois d’éviter la consommation associée à la stimulation ventriculaire droite.