Une pause excessive et incompréhensible malgré l'asservissement
Femme de 50 ans implantée en prophylactique avec appareil CRTD Sorin pour séquelle infarctus, FE abaissée, associé ensuite à l’apparition d’une dysfonction sinusale majeure puis d’un bloc AV de haut degré. Choc electrique sur fibrillation ventriculaire avec aspect endocardiaque de torsade de pointes et survenue lors effort modéré. Le comportement de l’appareil nous est apparu très étrange et surtout arythmogène et potentiellement impliqué dans la survenue de cette arythmie.
Je vous livre l’interprétation par les techniciens de la firme Sorin, qui paraît inutilement complexe et surtout impossible à comprendre quand on a pas les clefs.
La fibrillation ventriculaire est clairement liée à la pause ventriculaire survenue à l’effort (pas de QT long, ni ischémie). Cette pause est en fait liée au fonctionnement normal des stimulateurs/défibrillateurs Sorin. En effet, même en cas d’asservissement (comme programmé chez elle), la survenue d’une pause sinusale à l’effort (induite chez elle par des extra-systoles atriales ou des surdétections) ne sera pas suivie de stimulation à la fréquence d’échappement asservie mais à la fréquence de base. Ceci, parce que le stimulateur était en mode Wenckebach au moment de la pause (fréquence sinusale > fréquence maximale de synchronisation AV) : de manière peu compréhensible, pendant un fonctionnement en mode Wenckebach, en cas de pause sinusale soudaine l’appareil déclenchera un intervalle de base même si l’asservissement est en cours et même si un lissage a été programmé.
Ceci explique la pause mais pas sa durée, car il semble que celle ci excède un peu la fréquence minimale programmée chez cette patiente qui était de 50/mn soit un cycle de 1200 msec (cf tracé). La gestion des délais AV dans ces moments la, explique ce fait :
- en fonctionnement Wenckebach, le délai AV théorique est de 78 ms sur la première onde P > fréquence max et de 31 ms sur les suivantes. Sur l’évènement atrial suivant la pause, l’appareil applique un délai AV court (78 ms après détection, 110 ms ou délai AV d’effort après stimulation) pour ne pas déclencher de pause trop longue (…)
- l’appareil calcule sa fréquence d’échappement en fonction d’un intervalle VA (= VV 1200 ms ensuite diminué du AV théorique de la dernière activité atriale spontanée en mode Wenckebach donc 31 ou 78 msec comme dit plus haut) et de l’intervalle AV suivant qui sera de 78 msec (cf plus haut également) (car l’appareil n’est pas encore sorti de son mode Wenckebach).
Ceci va donc nous donner des intervalles RR de (1200 – 78) + 78 ms= 1200 ms (après une seule onde P > fréquence maximale) ou de (1200 – 31) + 78 ms = 1247 msec (après deux ondes P > fréquence maximale).
Donc dans ce cas l’appareil stimule plus bas que sa fréquence minimale (ce qui est assez logique à l’effort quand on a programmé un asservissement …).
Nul doute que cette pause inappropriée a induit cette arythmie « pause dépendante ». La possible surdétection atriale ne peut être mise en cause car ceci aurait pu se produire avec de réels évenements auriculaires spontanés. En l’absence de cause pouvant expliquer cette arythmie étonnante (QT long ou ischémie), nous n’avons eu d’autre solution que de programmer une fréquence de base plus rapide. La patiente n’a pas récidivé pour l’instant.